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Dernière modification : 9 janvier 2017

Transferts culturels 2015-2016

Pays germaniques

 

11 mars 2016 - Salle Weil

Heurs et malheurs des sciences allemandes de l’Antiquité

 

Corinne Bonnet (Toulouse) et Anthony Andurand (Rennes) : Apprendre et désapprendre de l’Allemagne

Les travaux que nous présenterons au cours de cette séance se proposent de revenir sur l’histoire de la science allemande durant la Première Guerre mondiale et les années d’après-guerre. Ils visent à mettre en lumière les évolutions qui affectent, durant cette période, la position et l’image de l’Altertumswissenschaft au sein de l’érudition européenne.

Dans le champ des études anciennes comme dans d’autres domaines, la Grande Guerre et l’issue du conflit, marqué de part et d’autre par l’exacerbation des rancœurs nationalistes et la mobilisation des antiquisants, semblaient en effet devoir sceller la fin du magistère intellectuel et scientifique exercé, depuis le début du XIXe siècle, par le prestigieux modèle allemand. Au rayonnement de l’Altertumswissenschaft et à l’admiration parfois envieuse qu’elle avait suscitée jusqu’alors succédait, à partir de 1918, le temps des critiques et de la mise au ban des réseaux savants européens. Ce sont les enjeux et les questionnements liés à la fin de cette « grande illusion », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Cinzio Violante (1), que l’analyse de deux dossiers documentaires permettra d’aborder. Le premier (Anthony Andurand) concerne la figure de l’helléniste Friedrich August Wolf et la polémique née de la parution, en 1917, du pamphlet de Victor Bérard, Un mensonge de la science allemande : les « Prolégomènes à Homère » de Frédéric-Auguste Wolf. Le rappel des thèses de Bérard et des vives réactions qu’elles suscitèrent au moment de leur publication visera à montrer comment cette querelle franco-allemande, en plaçant au centre de l’attention l’œuvre d’un savant que l’Altertumswissenschaft avait unanimement célébré comme son héros fondateur, devint au sein de l’érudition européenne d’après-guerre l’occasion d’un débat sur les mérites et la suprématie jusqu’alors incontestée de la science « made in Germany » (Bérard).

Le second dossier (Corinne Bonnet) porte sur les échanges épistolaires entre Franz Cumont et Alfred Loisy, en cours de publication, qui portent notamment sur l’émergence d’une science historique des religions, capable de rendre compte du tournant entre « paganisme » et « christianisme » et, plus généralement, du « progrès » des religions. Dans ce domaine, Cumont et Loisy sont en dialogue, parfois en conflit, avec les savants allemands, dont la pensée pèse sur la scène internationale. La guerre apparaît dès lors comme un moment de prise de distance et d’émancipation par rapport au nationalisme scientifique des Allemands ; c’est aussi l’occasion d’ouvrir de nouveaux horizons pour l’évolution religieuse de l’humanité.

 


(1) C. Violante, La fine della « grande illusione ». Uno storico europeo tra guerra e dopoguerra, Henri Pirenne (1914-1923). Per una rilettura della « Histoire de l’Europe », Bologne, Il Mulino, 1997.

 

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