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Dernière modification : 15 février 2017

Métaphysiques comparées
La philosophie à l’épreuve de l’anthropologie

Colloque

Du vendredi 26 juillet au vendredi 2 août 2013

Centre Culturel International de Cerisy

 

Organisation : Pierre Charbonnier (CNRS/EHESS), Gildas Salmon (CNRS/EHESS), Peter Skafish (Berkeley University/LAS)

 

Dans un monde dont l’unité et l’homogénéité métaphysique se resserre en permanence, l’anthropologie demeure l’une des rares disciplines intellectuelles prêtes à reconnaître que la « réalité » a été appréhendée à travers des concepts très divers, et peut toujours être prise en charge en des termes différents de ceux qui sont devenus dominants. Cette mise à distance de nos catégories fondamentales était déjà sensible dans la réaction d’un informateur Canaque à l’une des questions de Maurice Leenhardt (« L’esprit ? Bah, vous ne nous avez pas apporté l’esprit. Ce que vous nous avez apporté, c’est le corps »), et c’est toujours celle qui est à l’œuvre dans le travail des anthropologues à propos de concepts fondamentaux comme ceux de nature, de culture, de vérité et de liberté. Et pourtant, en dépit de sa pertinence critique, et y compris lorsqu’elle s’approche des préoccupations de la philosophie en discutant ces notions, l’anthropologie reste à l’écart des discussions menées à l’intérieur de cette discipline, ou dans le domaine de la philosophie comparée. Ces débats philosophiques se déroulent en effet le plus souvent sans véritablement prendre en considération (y compris après la « déconstruction de la métaphysique occidentale ») d’autres formes de pensée, et les effets en retour qu’elles pourraient avoir sur la tradition occidentale, comme si cette dernière se suffisait à elle-même. Que peut-on attendre d’une anthropologie qui s’engagerait dans la production de concepts (post-)philosophiques ? Que deviendrait la philosophie en intégrant ces concepts (et donc en cessant d’être entièrement « grecque ») ? En quoi le dispositif comparatif est-il essentiel à ce projet ?

Ce colloque rassemblera des anthropologues, des philosophes, et des chercheurs issus d’autres disciplines comparatives, venus de France, du Royaume-Uni, du Brésil, des Etats-Unis ou d’autres pays, et que ces interrogations animent tous sans qu’ils soient à l’heure actuelle en contact direct. Nous souhaiterions que ce colloque soit l’occasion pour les participants de se confronter aux problèmes suivants : quel impact le renouveau de la spéculation métaphysique, auquel on assiste dans la philosophie européenne, peut-il avoir sur l’anthropologie et les sciences comparatives ? Comment le tournant ontologique et métaphysique de l’anthropologie française et brésilienne affecte-t-il la philosophie ? Quel regard portent les théories critiques et postcoloniales issues des Etats-Unis et d’ailleurs sur ces projets intellectuels ? Et quelles sont les conséquences de ces nouvelles approches sur la compréhension des traditions ou des formes de pensée non-occidentales, irréductibles à la distinction entre science et doxa – qu’il s’agisse d’autres « philosophies », ou de pensées fondées sur l’extase, le chamanisme ou la divination.

Dans le cadre de ce projet, voici quelques-uns des enjeux qu’il nous semble important d’aborder. Les usages, dans le travail intellectuel actuel, de « concepts » issus de schèmes de pensée ordinairement considérés comme étrangers à la tradition des sciences humaines (taoïste, islamique, amazonien, mélanésien). Le redoublement de la distinction entre mythos et logos, qui est à la fois interne à la tradition occidentale – où elle permet de saisir l’émergence de la pensée conceptuelle –, et un critère de démarcation entre « nous » et les « autres », entre le statut d’exception des modernes et une humanité indifférenciée et naturalisée, livrée au métabolisme élémentaire de l’esprit que serait la pensée sauvage. On s’interrogerait alors sur les implications d’une anthropologie symétrique (au sens de Latour) dédiée à la critique de cette distinction. On s’intéressera également aux implications philosophiques de l’idée (ou du sentiment) selon laquelle les conditions environnementales dans lesquelles sont apparues les formes dominantes de pensée de la culture moderne et industrielle s’effondrent, dans une catastrophe d’ampleur anthropologique. Et enfin, on reviendra sur les récentes interprétations du structuralisme de Lévi-Strauss, qui voient en lui une ressource pour redéfinir la notion même de comparaison, ainsi que pour envisager les transformations de la rationalité occidentale – ou de ce qu’il reste d’occidental en elle.

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