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Dernière modification : 8 novembre 2017

Disciple de nuit
La figure biblique de Nicodème

Colloque international

  Sommaire  

 Résumés

 

  • François Bœspflug (professeur émérite de l’Université de Strasbourg, historien de l’art et des religions)
  • L’entretien nocturne de Jésus et de Nicodème dans l’art occidental (XIXe-XXe siècles)
  • Comment l’entretien a-t-il été conçu : Jésus et Nicodème se sont-ils parlé seul à seul, ou bien en présence d’autres pharisiens, ou de serviteurs et de servantes ? L’entretien a-t-il eu le caractère d’un échange, ou celui d’un enseignement, ou d’une confidence voire d’une confession ? La rencontre a-t-elle eu lieu à l’air libre sur un toit, ou bien dans une chambre auprès d’un feu ? Nicodème s’est-il assis en tailleur par terre au pied de Jésus, en disciple devant un maître, ou bien à table à côté de lui, en ami et en égal ? Dans quelles attitudes les deux protagonistes ont-ils été campés ? Ont-ils été montrés faisant des gestes, et lesquels ? Que disent les œuvres d’art, à cette occasion, du rapport des artistes, de leurs commanditaires et de leurs clients potentiels, au judaïsme ? À l’Orient ? Quel rôle les peintres ont-ils confié à la nuit ?
  • Le texte johannique de référence (Jn 3, 1-21) les laissait libres d’imaginer et ils ne sont pas fait faute d’en profiter. L’exposé tiendra du parcours méditatif, tout en portant une attention aiguë aux questions qui viennent d’être formulées, et en s’interrogeant sur la dose d’apologie, de catéchèse, de dévotion ou de curiosité ethnologique qui s’en est mêlée, et encore sur le caractère somme toute très modeste que cette page d’évangile, que l’on peut qualifier pourtant de solennelle, a reçu dans l’art d’inspiration chrétienne…

 

  • Marie-Odile Boulnois (directeur d’études à l’École pratique des hautes études, chaire « Patristique grecque et histoire des dogmes »)
  • L’homme qui boîte des deux jarrets : Nicodème selon Cyrille d’Alexandrie
  • Cyrille d’Alexandrie est l’un des rares auteurs grecs de l’antiquité dont nous possédions un commentaire complet des trois passages johanniques dans lesquels apparaît le personnage de Nicodème. Au commentaire de ces trois épisodes s’ajoutent d’autres allusions dans le reste de son œuvre. La présente étude analysera ces différentes occurrences pour voir si une cohérence s’en dégage et si Cyrille présente une évolution du personnage entre le début et la fin de l’évangile. Son exégèse sera ponctuellement comparée à d’autres auteurs, en particulier antiochiens, pour en dégager la spécificité. Trois questions guideront la recherche : quelle est la foi de Nicodème ? Comment se construit la relation de maître à disciple ? Quelles sont les erreurs théologiques sur lesquelles achoppe Nicodème ?

 

  • Catherine Broc-Schmezer (professeur de grec à l’Université Jean Moulin Lyon 3)
  • Ce que Jésus aurait pu dire à Nicodème, selon Jean Chrysostome
  • La figure de Nicodème n’a pas beaucoup retenu l’attention de Jean Chrysostome en dehors des commentaires suivis. En revanche, il rayonne autour de lui une sorte de nébuleuse de discours possibles, traduits, modifiés... , que l’on présentera en trois temps : 1) Ce que Jésus aurait pu dire à Nicodème, si celui-ci n’avait pas été lent à croire ; 2) Ce que Jésus n’a pas dit à Nicodème, parce qu’il savait retenir en lui tout mouvement de colère ; 3) Ce que Jésus a dit en substance à Nicodème. En nous appuyant sur les célèbres articles de Judith Kecskemeti, nous analyserons ces discours fictifs dont le maniement paraît particulièrement délicat dans la « série » des Homélies sur l’évangile de Jean.

 

  • Pierre Descotes (maître de conférences en langue et littérature latines à l’Université Paris-Sorbonne)
  • Nicodème, ou la lutte de l’orgueil et de l’humilité (Tr. in Iohannis Euangelium XI et XII d’Augustin d’Hippone)
  • Les Tractatus XI et XII sur l’évangile de Jean constituent le commentaire le plus attentif que l’évêque d’Hippone ait consacré à la rencontre entre le Christ et Nicodème. Dans le cadre de la controverse donatiste, et en s’adressant plus particulièrement aux catéchumènes, Augustin y livre une exhortation à l’humilité qui souligne évidemment les faiblesses du personnage de Nicodème, mais tend à en faire, avec une sympathie à peine dissimulée, une figure du chrétien prêt à reconnaître ses fautes - une figure, en somme, qui ne pouvait guère laisser insensible l’auteur des Confessions.

 

  • François Dupuigrenet Desroussilles (professeur d’histoire du christianisme à la Florida State University)
  • « Réveille-toi, Nicodème ! » : nicodémisme et culture biblique des esclaves afro-américains au XIXe siècle
  • Depuis 1861, lorsqu’il rejoignit l’Union en tant qu’état libre, le Kansas fut un des principaux refuges des esclaves du Sud. Leur migration s’y poursuivit bien après la fin de la guerre de Sécession, pour atteindre son sommet en 1879-1880. On parlait alors, très bibliquement, de « Kansas Fever Exodus ». Parmi les villes créées par les esclaves libérés la plus célèbre fut appelée en 1877 Nicodemus, en hommage à un légendaire esclave révolté, héros d’un des « protest songs » les plus populaires du mouvement abolitionniste : Wake Nicodemus ! (1864)
  • Pourquoi avoir choisi le nom de Nicodème pour désigner aussi bien le type de l’esclave révolté que la ville des esclaves libérés ? Il faut chercher la réponse à cette question dans la culture biblique des anciens esclaves, culture « nicodémite » acquise lors de rassemblements nocturnes, au milieu des forêts, que les lois de tous les États du sud punissaient très sévèrement. Pour les esclaves afro-américains ce nicodémisme de combat avait été l’instrument d’une réappropriation, contre la Bible des maîtres, du message libérateur de l’Écriture.

 

  • Max Engammare (chercheur associé à l’Institut d’histoire de la Réformation de l’Université de Genève)
  • De Nicodème aux nicodémites. L’invention d’une secte au siècle de la Réforme
  • Dès ses premiers écrits (1537), Calvin stigmatisa des catholiques tièdes qui avaient goûté à l’Évangile, mais continuaient pour diverses raisons (prudence familiale, statut social, place dans l’Église) à aller à la messe. De retour à Genève (1541), les écrits de Calvin se firent plus virulents, comme ceux de Viret à la même époque. C’est l’histoire de cette tiédeur religieuse dans son utilisation, parfois même à contre-sens, de la figure de Nicodème, que je vais retracer.

 

  • Rémi Gounelle (professeur d’histoire du christianisme ancien à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg)
  • Nicodème dans l’évangile éponyme. Traditions grecques anciennes et byzantines
  • La seule mention du nom de Nicodème évoque, pour un public instruit, celui de l’évangile éponyme, l’Évangile de Nicodème, qui est également connu sous le nom d’Actes de Pilate. Rien de plus normal. Pour autant, le texte connu sous ce titre n’était pas attribué à Nicodème à l’origine. Que ce texte ait progressivement été placé sous son patronage n’est toutefois pas le résultat du hasard : ce personnage, relativement mineur dans les évangiles canoniques, joue, dans ce récit, un rôle important et complexe, qu’il convient d’analyser dans un premier temps, avant d’étudier le processus qui a conduit Nicodème à en devenir l’auteur. La présente communication se limitera aux versions grecques de ce texte.

 

  • Christian Grappe (professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Strasbourg)
  • D’une nuit à l’autre : l’itinéraire narratif de Nicodème dans le quatrième évangile
  • L’itinéraire narratif du pharisien Nicodème dans le quatrième évangile sera ici suivi. Il conduit le personnage d’une première nuit, située dans un contexte pascal, au cours de laquelle, venu à Jésus, il paraît échouer à venir à la lumière, à une ultime nuit, située dans le même contexte, au cours de laquelle il rend au corps mort de Jésus les honneurs dus à celui d’un roi. Entre-temps, il se singularise par une intervention courageuse par laquelle il invite ses pairs à ne pas condamner trop vite ce même Jésus, intervention qui les amène à se demander de quel bord il est. Entre nuit et lumière, Nicodème, souvent accusé de rester enténébré, ne cheminerait-il pas en fait discrètement et, finalement, publiquement, vers la lumière ?

 

  • Augustin Guillot (inspecteur d’académie, inspecteur pédagogique régional de lettres dans l’académie de Besançon)
  • La figure de Nicodème dans l’œuvre de Jean Grosjean
  • Jean Grosjean (1912-2006), poète, écrivain, traducteur, critique et personnalité majeure des éditions Gallimard, nourrit son œuvre des récits et des figures bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament, qu’il nous restitue de l’intérieur de l’expérience humaine. L’évangile de Jean est le cœur de sa lecture du texte biblique et traverse à la fois sa pensée et son œuvre. Dans ses traductions de cet évangile, de celle de 1971, pour la « Bibliothèque de la Pléiade » à celle de 1991, pour L’Ironie christique, en passant par celle de 1988, pour la « Collection Blanche », Jean Grosjean met à l’épreuve de la langue le propos évangélique concernant le personnage énigmatique de Nicodème. Dans ses récits Le Messie (1974), Les beaux jours (1980), Pilate (1983), Nicodème se présente dans le rôle que lui assigne l’évangile, parfois sous des traits inattendus. D’autres apparitions du sanhédrite dans quelques poèmes, en particulier « Derniers tâcherons », dans La Rumeur des cortèges (2005) en ajustent le portrait.
  • Nous essaierons de montrer de quels reflets s’anime le personnage de Nicodème sous la plume de ce poète savant qui, dit-il, n’aurait pas été écrivain si la Bible avait été écrite en français.

 

  • Zbigniew Izydorczyk (professeur de langue et littératures anglaises médiévales à l’Université de Winnipeg)
  • Nicodème, évangéliste apocryphe : des Actes de Pilate à l’Évangile de Nicodème
  • Christiane Furrer et Christophe Guignard concluent leur étude de l’évolution des Actes de Pilate antiques par cette remarque : « (l’)histoire (de l’apocryphe) est somme toute celle de la transformation d’Actes de Pilate en un Évangile de Nicodème » (Apocrypha 24, p. 196). Les germes de cette transformation ont pu être plantés dans l’apocryphe au début du Ve siècle, mais la fleur n’a éclos que plus d’un millénaire plus tard ; dans cette présentation, j’aimerais examiner de plus près la manière dont, dans l’Occident latin, Nicodème est devenu, plus qu’un auteur, un évangéliste apocryphe, et dont les Actes de Pilate se sont transformés en Évangile de Nicodème. Ce processus s’est accéléré au XIIe siècle, quand la figure de Nicodème, de plus en plus estimée, est devenu prééminente ; il a atteint un niveau décisif au XIIIsiècle, quand enseignants et prédicateurs promurent le contenu de l’œuvre avec son nouveau titre ; et il s’est trouvé consolidé dans la fièvre des controverses religieuses des XVIe et XVIIe siècles, quand l’imprimerie a donné sa pérennité au titre comme à la forme textuelle de l’Évangile de Nicodème.

 

  • Damien Labadie (doctorant en philologie et histoire du christianisme antique à l’École pratique des hautes études)
  • La famille apocryphe de Nicodème
  • Si le personnage de Nicodème a attiré l’attention des spécialistes de textes apocryphes, l’étude de son arbre généalogique et de sa parenté semble encore, pour une large part, négligée. Pourtant, un certain nombre de textes antiques et médiévaux associent Nicodème à d’autres figures bibliques, présentées comme des membres de sa famille ou de très proches amis. En particulier, Nicodème est fréquemment décrit, dans ces textes, comme un familier d’Étienne et de Gamaliel, deux personnages extraits du livre biblique des Actes des apôtres (Actes 6-8, 5, 34 ; 22, 3). Plus précisément, il est présenté comme le neveu ou, selon certaines versions, le cousin de Gamaliel. Ailleurs, il est indiqué que Nicodème est l’oncle d’Étienne et le frère de Gamaliel.
  • Dans le cadre de cette communication, nous nous attacherons à décrire et examiner le cercle familial étroit et élargi de Nicodème qui, d’après des textes apocryphes et hagiographiques comme la Révélation d’Étienne (BHL 7850-7856), la Narratio Josephi (CANT 77), l’Invention de la Croix ou encore l’Évangile apocryphe arabe de Jean (CANT 44), présente d’étonnantes constantes. Notre réflexion sera triple. Tout d’abord, afin de cerner et décrire au mieux cette famille « apocryphe » de Nicodème, nous procéderons à une analyse philologique de tous les témoins textuels et de leurs différentes versions. Ensuite, d’un point de vue historique, nous essayerons de déterminer à quelle époque et dans quel milieu sont apparus les premiers textes évoquant des familiers de Nicodème, à la source desquels des oeuvres ultérieures ont puisé. Enfin, notre enquête sera aussi littéraire ; la question des rapports d’intertextualité sera posée, à la fois entre le texte canonique et les textes apocryphes, mais aussi entre les oeuvres apocryphes elles-mêmes.

 

  • Jacques-Noël Pérès (professeur émérite de l’Institut protestant de théologie de Paris, historien du christianisme ancien)
  • L’honorable Nicodème, ami émerveillé mais déconcerté de Jésus dans les traditions éthiopiennes
  • Nicodème reste un personnage discret dans la littérature éthiopienne. En tant que figure biblique, il n’est certes pas inconnu, mais il n’apparaît pas qu’il ait tenu une place importante dans la liturgie, y compris baptismale, pas plus que dans la catéchèse. Les textes cependant où il joue quelque rôle soulignent combien il n’est pas anodin, étant même qualifié parfois d’ami de Jésus. C’est cette qualité d’ailleurs qui lui permet d’être souvent représenté aux côtés de Joseph d’Arimathée dans les illustrations picturales de l’inhumation de Jésus dans les églises ou les manuscrits.
  • On tâchera, en se fondant sur les monuments littéraires en ge’ez ou artistiques, d’évaluer la portée symbolique de Nicodème pour les chrétiens d’Éthiopie.

 

  • Carlo Ossola (professeur au Collège de France, chaire « littératures modernes de l’Europe néolatine »)
  • Les deux Nicodèmes de Pascal
  • L’exemple de Nicodème apparaît dans la Onzième lettre des Provinciales comme celui qui – « habile dans l’intelligence de la loi » – va interroger Jésus et est confondu ; il apparaît également dans les Pensées concernant les miracles, témoin d’un ordre nouveau : « il faut que l’évidence du miracle l’emporte sur ce qu’il y pourrait avoir de difficulté de la part de la doctrine ». Dans ce hiatus se fait jour une conscience plus aiguë d’une vraie apologie du christianisme, et s’efface l’ardeur polémique qui avait suggéré que « ce n’est pas une conduite contraire à celle des saints de rire des erreurs et des égarements des hommes ».

 

  • Francesco Zambon (professeur émérite de l’Université de Trente, spécialiste de philologie romane)
  • Nicodème ou le sculpteur sacré
  • La rencontre nocturne de Nicodème avec Jésus, ainsi que son rôle de témoin privilégié de son ensevelissement, ont favorisé dès les premiers siècles de notre ère l’attribution au maître juif d’un évangile qui jouit d’une immense fortune, dans ses différents remaniements et traductions, au moins jusqu’à la fin du Moyen Âge. La littérature médiévale ne cessa pas de broder sur le texte biblique et sur les apocryphes qui en dérivent, élaborant de nombreux récits qui culminent dans la célèbre légende du Saint Voult de Lucques, évoquée par plusieurs sources à partir du XIIe siècle et racontée dans sa forme la plus complète dans un poème en langue d’oïl du début du XIIIe, publié en 1907 par W. Foerster. Dans ce poème, le maître juif devient à la fois le gardien de la relique la plus précieuse de la chrétienté, le sang du Christ, et l’auteur de son portrait le plus authentique – une sculpture – qui sera ensuite jeté à la mer et abordera sur la côte de la Toscane pour être finalement transféré dans l’église Saint-Martin de Lucques. Dans mon intervention j’essaierai de montrer les implications littéraires, esthétiques et religieuses de cette légende.

 

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