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Dernière modification : 2 septembre 2016
Atelier Bachelard
Conférences 2016
Vendredis 5 février et 11 mars 2016
École normale supérieure
Comité d’organisation : Gilles Hieronimus (Lyon 3), Julien Lamy (Lyon 3), Sophie Roux (ENS), Frédéric Worms (ENS)
Vendredi 5 février - de 18h à 20h - ENS, Salle de Conférence, 46 rue d’Ulm, Paris 5e
- Gaston Bachelard ou la Joie d’habiter - par Jean-Philippe Pierron, Doyen de la Faculté de Philosophie, Université Lyon 3
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Avec la publication de La poétique de l’espace (1957), Gaston Bachelard ouvrit la fécondité de sa réflexion sur la force ontologique des images à l’espace poétique. Quittant l’étude didactique d’une poétique des éléments consacrée au feu, à l’eau, à l’air et à la terre, il déployait sa poétique sur une réalité transversale : l’espace, avant de bientôt la généraliser à la rêverie. Son étude de l’espace l’appréhende comme espace poétique, espace rêvé, anti-espace cartésien, investi de partialités délibérément voulues, aimées, cultivées. Ici le fil d’Ariane qui servira de guide pour vivre l’espace ne sera pas le géomètre ou l’architecte mais le poète. Ni géométrie d’un espace sans qualités, ni géographie d’un espace cadastré ou politisé, la géopétique bachelardienne laisse résonner et explore ce que signifie « habiter ». Faisant sien un thème majeur, promis à la destinée qu’on lui connait dans la phénoménologie de Husserl puis Heidegger, Maldiney ou même celle d’Augustin Berque, la phénoménologie poétique de Bachelard, buissonnière, prend ses distances avec le sérieux angoissé des pensées du Dasein, de l’être là, pour modestement, explorer les joies de l’habiter et quêter de façon privilégiée des espaces louangés. Que signifie alors la joie d’habiter et comment la caractériser ? Comment rendre compte de cette analyse de l’espace, concentrée singulièrement sur la maison mais qui résolument se refuse à la traiter comme objet d’architecture ou d’une pensée de l’espace bâti, au profit de l’espace rêvé ? Peut-on comprendre un peu mieux le projet bachelardien en le mettant en regard de celui de Henri Maldiney car s’ils sont, amis tous deux de Roland Kuhn, Bachelard cultive l’espace poétique par l’image là où Maldiney appréhende la présence de l’architecture comme présence pathique ? Quelles fécondités les analyses de l’espace poétique bachelardien peuvent-elles avoir alors pour l’architecture et les espaces construits, bâtis ; voire pour les enjeux environnementaux si l’on pense à sa méditation non sur la hutte mais sur la cabane de H. D. Thoreau ?
Vendredi 11 mars - de 18h à 20h - ENS, Salle de Conférence, 46 rue d’Ulm, Paris 5e
- L’espace comme noumène : qu’a-t-il manqué à Einstein ? - par Elie During, Université de Paris Ouest Nanterre, Institut Universitaire de France
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« Guidé par le nouvel esprit scientifique, soutenu par l’abstraction rationnelle, l’homme de pensée s’apprête à tout fabriquer, même l’espace. » (L’Expérience de l’espace dans la physique contemporaine, Paris, Alcan, 1937, p. 140). La théorie de la relativité et la mécanique quantique illustrent bien le propos : en introduisant les géométries non euclidiennes ou en faisant jouer un rôle constitutif aux probabilités, elles produisent des espaces à la fois plus abstraits et plus concrets que ceux de la physique classique. Mieux, comme le montre Bachelard, elles promeuvent de nouvelles valeurs de spatialité. Elles dessinent une « physique non cartésienne », et par là même non kantienne. Elles nous forcent à nous défaire des mauvaises habitudes consolidées par notre imagination locale (celle qui occupera plus tard La Poétique de l’espace) ; elles contrarient les intuitions réalistes du lieu comme centre de localisation ou point d’application de l’action par contact, et ouvrent la problématique de la non-localité entendue au sens large. Mais elles ne le font pas de la même manière, ni au même degré, et c’est sur ce point que j’insisterai. Qu’a-t-il manqué à Einstein pour porter le programme de la « micro-ontologie » et de la « méta-microphysique » rêvées par Bachelard ? En termes kantiens : la relativité généralise l’esthétique transcendantale en la dégageant de son ancrage euclidien, elle remanie la troisième analogie de l’expérience et le concept de simultanéité ; mais elle n’envisage pas encore l’espace comme noumène. Cette situation, bien diagnostiquée par Bachelard, incite à purifier encore davantage la philosophie de son réalisme spatial pour atteindre au substrat topologique, non métrique et finalement arithmétique, de ce qu’il appelle une « physique de l’ordre ».
Chaque conférence sera suivie d’une discussion ouverte avec le public.