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Dernière modification : 20 juillet 2018

Descartes, la métaphysique et l’infini

Dan Arbib

Descartes, la métaphysique et l'infini
Crédits : PUF

Quelle place l’infinité divine occupe-t-elle dans la philosophie cartésienne ? Peut-elle éclairer la situation de Descartes dans le temps long de l’histoire de la métaphysique ou révéler une béance toujours sise au cœur de son concept ?

Loin d’être une innovation cartésienne, l’infinité de Dieu constitue une conquête de l’histoire de la métaphysique, qui, en prenant pour objet le concept d’ens, s’est approprié Dieu sous la figure de l’ens infinitum. Et parce que la philosophia prima des Meditationes a pour premier principe le cogito, l’idea infiniti ne peut que s’ordonner à l’univocité de la cogitatio et se soumettre au régime métaphysique de la représentation, qu’elle prolonge et accomplit.

Mais Descartes confère à l’infini une autre détermination, qui contredit sa portée métaphysique : car, en toute rigueur, l’infini ne se donne pas tant en une représentation, qu’il n’excède toute représentation pour la conditionner. Ainsi Descartes démontre-t-il l’existence de Dieu au moyen du nom qui énonce d’abord sa transcendance à toute démonstration ; ainsi l’idée d’infini est-elle plus « lourde » que l’ego qui la porte et qu’elle creuse d’une antériorité à jamais irrécupérable.

Descartes a donc associé en un même nom – l’infini – une détermination métaphysique et une détermination non métaphysique de Dieu. Mais cette double détermination traduit l’ambiguïté même de l’infini dans l’histoire de la métaphysique, s’il est vrai que c’est aussi bien comme infini que Dieu y est entré (Duns Scot) et qu’il en est sorti (Levinas). L’infinité divine peut dès lors accomplir chez Descartes la sortie de la métaphysique depuis la métaphysique elle-même, puisqu’elle nomme l’au-delà de la représentation apparu depuis la représentation : la métaphysique se trouverait alors contemporaine de sa fin, qui toujours en sourdine la double et la défait.

En la déployant sans nuances, Descartes fait accéder à sa visibilité la plus haute l’ambiguïté de l’infini : sa métaphysique en acquiert une ambivalence à laquelle nous n’avons pas voulu demeurer aveugle.

 

Ancien élève de l’ENS et ancien pensionnaire de la Fondation Thiers, agrégé et docteur en philosophie, Dan Arbib enseigne à l’ENS. Secrétaire scientifique du Bulletin cartésien, membre de la commission scientifique des Œuvres d’Emmanuel Levinas (Grasset/Imec), il a publié un grand nombre d’articles d’histoire de la philosophie et de phénoménologie, ainsi qu’un ouvrage consacré à Levinas (La lucidité de l’éthique, Hermann, 2014).


Prix


 

D. Arbib. Descartes, la métaphysique et l’infini. Paris : Presses Universitaires de France, 2017, 368 p. ISBN 978-2-13-078630-6

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