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Silvia NAEF
Université de Genève (Suisse)
Invitée de l’IHMC - mars et avril 2016
Durant les mois de mars et avril 2016, le labex TransferS, Béatrice Joyeux-Prunel et le groupe Artl@s (IHMC) accueillent Silvia NAEF, professeure ordinaire à l’unité d’arabe de l’Université de Genève (Suisse).
Conférences du Pr. Silvia NAEF
Séances d’introduction à l’histoire de l’art arabe moderne
Dans le monde arabe, l’histoire de l’art moderne (al-fann al-hadîth), qui résulte de l’adoption de la modalité de production occidentale et de la rupture avec l’ « art islamique », peut être subdivisée en trois périodes : 1. la période d’adoption de l’art occidental, 2. la période d’adaptation à des pratiques « locales » et 3. la période de globalisation, lorsque certains artistes originaires du monde arabe deviennent partie intégrante de la scène artistique internationale.
Dans ces deux cours, il sera question des deux premières périodes, pendant lesquelles se forme l’art moderne (au sens d’une modernité « classique ») qui préfigure le changement de paradigme (tel que défini par Nathalie Heinich) conduisant à l’art contemporain à partir des années 1990.
- Jeudi 17 mars 2016, cours 1 - ENS (45 rue d’Ulm), salle Simone Weil, de 10h à 12h30
- L’art moderne dans le monde arabe – la période d’adoption (fin 19ème s. - 1950)
- L’adoption de l’art dans sa modalité occidentale est étroitement liée au processus de modernisation qui saisit les pays sous domination ottomane à partir du 19ème siècle. Dans les principaux centres de cette modernisation, soit sous l’impact d’artistes européens installés dans le pays, soit par la fondation d’écoles d’art, soit par des études en Europe, un art académique à forte coloration orientaliste fait son apparition au tournant du 20ème siècle. Considérée comme « moderne » par les contemporains, cette production sera perçue comme « arriérée » par la postériorité ou, dans le meilleur des cas, comme une forme d’auto-orientalisme. Au-delà des lectures immédiates et par trop simplificatrices, nous essayerons de comprendre les enjeux de cette nouvelle forme d’expression et de suggérer quelques clés de lecture possibles. Nous évoquerons également les attitudes de cette première génération d’artistes, appelés « pionniers » (ruwwâd), à l’égard de l’ « art islamique ».
- Jeudi 24 mars 2016, cours 2 - ENS (45 rue d’Ulm), salle Simone Weil, de 10h à 12h30
- L’art moderne dans le monde arabe – la période d’adaptation (1950-1991)
- Après la Deuxième Guerre mondiale, avec l’accès de la plupart des Etats de la région à l’indépendance, la question de l’identité (nationale) se pose avec insistance. C’est également la période où l’art moderne occidental, qui s’est développé dans la première moitié du 20ème siècle, est pris en compte par une nouvelle génération d’artistes qui découvrent l’apport des arts extra-européens à celui-ci. Ces deux mouvements confluent dans ce qu’on peut appeler une « modernité arabe » qui combine les acquis stylistiques et théoriques de l’art moderne avec les interrogations identitaires. Ainsi, la discussion sur la modernité (hadâtha) est intimement liée à celle sur l’authenticité (asâla) qui s’exprime par l’intégration d’éléments du patrimoine (turâth) dans l’œuvre d’art. Ce patrimoine est pluriel : antéislamique, populaire, islamique. Son utilisation vise, dans un premier temps, à créer un art spécifique, original, moderne et national. Dans un deuxième temps, il devient un moule, un passage obligé, sinon dans la pratique, dans le discours dominant, qui vise à faire de toute œuvre une œuvre « arabe ».
Participation au Projet Artl@s 2016 – circulations artistiques internationales depuis, et vers entre les pays arabes
- Jeudi 17 mars 2016 – Séminaire Artl@s - ENS (45 rue d’Ulm), salle de l’IHMC, de 13h30 à 15h30
- Atelier de travail (1) : Présentation et discussion des travaux du groupe sur l’art vivant dans les pays arabes 1900-1990
- L’équipe du groupe Artl@s a réalisé au premier semestre 2015-2016 une collecte systématique de toutes les expositions d’art vivant ayant eu lieu dans les pays arabes, du Maroc à l’Irak, sur la période 1900-1990, et répertoriées par les spécialistes. Cette première recherche laisse apparaître une activité régulière de production et de valorisation de l’art dans les principales métropoles de la région, avec une activité croissante – qui ne fait pas que refléter aussi l’intérêt plus important des chercheurs pour l’art dans les pays arabes depuis les Indépendances. Ce travail met également en évidence des lacunes considérables dans l’accès à une source essentielle pour retracer l’activité artistique – nous avons en effet vérifié si les chercheurs citaient une source de première main, et si un catalogue, le cas échéant, était disponible quelque part dans le monde. Ce premier travail doit susciter la prise de conscience dans la communauté académique de l’importance de rassembler les informations fournies par ces catalogues, lorsqu’ils ont été archivés, copiés ou photographiés, et d’en mettre l’intégralité à disposition des chercheurs.
La présence de Silvia Naef doit nous aider à vérifier si la bibliographie secondaire utilisée pour cette collecte est suffisante, ou comporte des lacunes importantes. Il s’agira également d’étudier avec elle cette chronologie longue d’un espace transnational, et d’envisager la réunion possible de catalogues réunis dans cette liste – à terme. - Atelier de travail (2) : Biennales méditerranéennes 1950s-1970s, circulations
- La première collecte (expositions d’art vivant dans les pays arabes 1900-1990) devait aider le groupe Artl@s à choisir des sources raisonnables et accessibles pour commencer une étude plus précise, sur période courte, des circulations artistiques dans l’espace méditerranéen à l’époque contemporaine. Le printemps 2016 est consacré à la collecte des catalogues des biennales d’Alexandrie des années 1950 aux années 1970, données croisées à celles des catalogues de la Biennale de Paris et d’autres biennales déjà intégrées à la base. La rencontre avec Mme Naef doit être l’occasion de mieux comprendre le contexte de création de la Biennale d’Alexandrie, de repérer les circulations importantes dans l’espace transnational qui sera ainsi mis en valeur, et de mieux comprendre les enjeux culturels, politiques et marchands de ces circulations. En étudiant conjointement les données, leur analyse statistique, géographique et transnationale, nous envisagerons avec Mme Naef les approfondissements à faire, et les directions possibles à donner à une publication collective du groupe, dans le cadre de leur formation à la recherche.
Le projet doit permettre de tester par ailleurs la pertinence des méthodes du groupe pour un projet plus large d’étude du champ mondial des Biennales de 1895 à nos jours, porté par le Groupe Artl@s.
- Jeudi 24 mars 2016 – Séminaire Artl@s - ENS, salle de l’IHMC, de 13h30 à 15h30
- Avec Alexandre Kazerouni (ENS) : Les musées dans les principautés arabes du Golfe persique
- Jeudi 31 mars – Séminaire Artl@s - ENS (45 rue d’Ulm), salle de l’IHMC, de 13h30 à 15h30
- De l’exposition au catalogue : parler de l’art contemporain du monde arabe
- Procédant de mes questionnements sur l’écriture de l’histoire de l’art moderne du monde arabe, cette intervention se penchera plus spécifiquement sur des catalogues d’expositions publiés ces dernières années. Depuis les années 2000 en effet, le nombre d’expositions d’art du monde arabe ou du Moyen-Orient a augmenté de manière significative en Europe comme aux Etats-Unis. A l’origine de ce phénomène on trouve la mondialisation de la scène artistique, l’affirmation nouvelle de certaines villes ou Etats de la région sur la carte de l’art mondial, ainsi que le rôle accru de collectionneurs qui acquirent des œuvres en provenance de leurs pays. Ces expositions sont le plus souvent accompagnées de catalogues dont un des buts premiers est de donner des clés de lecture aux visiteurs, souvent dépourvus de toute connaissance des scènes artistiques moyen-orientales. Or, contrairement à d’autres régions du monde, l’écriture de l’histoire de l’art moderne de la région est encore à ses débuts et il existe un réel manque de documentation. De ce fait, les textes des catalogues d’expositions récentes deviennent des références, car facilement accessibles, et sont utilisés comme sources dans des publications ultérieures. Après avoir évoqué quelques expositions emblématiques qui ont eu lieu ces dernières années, nous allons essayer d’examiner, dans le cadre de l’atelier, de quelle manière art et artistes de cette région du monde sont présentés, puis aborder les questions spécifiques qui se posent, du fait d’une recherche qui reste fragmentaire.
- Jeudi 7 avril 2016 – Séminaire Artl@s - ENS, salle de l’IHMC, de 13h30 à 15h30
- Avec Morad Montazami (Tate Gallery) : Hamed Abdalla : entre les lignes du modernisme, se réinventer
- L’hypothèse n’est pas nouvelle, bien que soumise à cautions diverses, selon laquelle les grandes figures de l’avant-garde européenne (Henri Matisse, Paul Klee, Wassily Kandinsky), non contentes d’avoir subi l’énorme influence des arts islamiques et des arts décoratifs issus d’autres civilisations telles que l’Iran ou l’Egypte, y auraient puisé ni plus ni moins que les ressorts de « l’abstraction ». L’hypothèse de la co-écriture d’un langage moderniste entre l’Orient et l’Occident est aussi intangible que révélatrice de mondes possibles dans une Histoire multi-vernaculaire où la Méditerrané, mais aussi la route de la Soie, jouent un rôle de pourvoyeurs de formes, de concepts et d’auteurs.
En peinture, on se définit aussi par ses prises de positions à l’écrit, voire même par sa bibliothèque. Celle de Hamed Abdalla (1917-1985), peintre égyptien et cosmopolite, a le mérite de s’aventurer dans les questionnements suscités ; par son simple contenu, son périmètre de savoir, mais aussi son paratexte (ses annotations, ses photocopies, ses documents agrafés, ses correspondances consignées…). Se manifeste en définitive le texte « Abdalla », à travers le corps même du peintre, s’illustrant de par ses écrits et ses lectures, telles des constellations de savoirs anachroniques et digressives : la bibliothèque-archive de Hamed Abdalla traverse et combine l’antiquité, les avant-gardes européennes (mais aussi les écrits de Herbert Read ou Roger Fry qui y tiennent un rôle tout particulier), l’art moderne des pays arabes ou méditerranéens, l’histoire des Indépendances postcoloniales… tissant par conséquent ses propres réseaux esthétiques, parentés formelles et généalogies transculturelles.
Nous proposerons une lecture aussi perçante que possible de cette bibliothèque d’artiste dont les prises de position semblent exemplaires d’un contexte intellectuel, voire d’une histoire de l’art, plus larges, et surtout méconnus . Ce faisant nous espérons toucher au désir qui fut probablement celui d’Abdalla, de se réinventer, entre les lignes du modernisme.
Lundi 11 avril 2016 – Intervention de Mme Naef à l’Assemblée Générale du labex TransferS
Silvia Naef est professeure ordinaire à l’Unité d’arabe de l’Université de Genève ; elle a également enseigné dans les universités de Bâle et Tübingen (1995-2001). Elle a été invitée comme professeur à Toronto (2007-2009), Sassari, en Italie (2012) et comme chercheur à Göttingen (2013). Spécialiste de l’art moderne dans le monde arabe et de la question des images en Islam, elle a publié dans plusieurs langues, dans des publications académiques, des catalogues d’exposition et des ouvrages destinés à un public plus large. Elle est l’auteur notamment de Y a-t-il une question de l’image en Islam ? (2ème éd. 2015 (2004) ; allemand 2007, italien 2011, persan 2015) et de A la recherche d’une modernité arabe, L’évolution des arts plastiques en Egypte, au Liban et en Irak (1996 ; arabe 2008). Elle est la responsable principale du projet de recherche Other Modernities : Patrimony and Practices of Visual Expression Outside the West, financé par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique (2013-17, http://www.other-modernities.com/.)