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Cartographie des Anneaux de Saturne
Mandana COVINDASSAMY – Pays germaniques
Julien CAVERO – labex TransferS
2014
C’est le rapport entre la carte et le texte, entre l’écriture et la spatialité, et le passage de l’un vers l’autre qui nous intéresse ici. Si la carte est un objet a priori bien identifié, le concept même de cartographie peut avoir des acceptions différentes, et son usage dans le domaine littéraire peut s’avérer source d’échanges féconds. S’il peut s’agir de requalifier scientifiquement le discours littéraire au travers des outils cartographiques, il semble plus important ici de faire émerger une approche interdisciplinaire qui interroge tant le texte que la cartographie.
Ce travail est le fruit d’une collaboration avec Mandana Covindassamy (maître de conférences en littérature allemande au département LILA) pour la publication de sa thèse W.G. Sebald. Cartographie d’une écriture en déplacement (PUPS, 2014). L’idée était de convertir en cartes les données géographiques du livre de W.G. Sebald, Les Anneaux de Saturne (1995), en partant du principe que comme Sebald, nous avons été éduqués par des cartes et que quand nous lisons des noms de lieu, nous nous les représentons intérieurement sur un planisphère. C’est donc afin de mieux cerner la qualité du déplacement dans cette écriture qu’il s’est révélé fructueux d’avoir recours à la cartographie.
D’un côté, il a été possible de retracer les étapes du voyage à pied du narrateur dans le Suffolk qui structure le récit. De l’autre, on constate qu’à partir d’un parcours strictement localisé en Angleterre, pratiquement tous les pays du monde sont évoqués, ce qui est un premier résultat inattendu.
Le second résultat tient au contraste entre la représentation cartographique et le sentiment de désorientation qui gagne le lecteur des Anneaux de Saturne. La carte fait le point, pas la ligne : elle ne montre pas les transitions. En s’appuyant sur ce contraste, nous pouvons mieux cerner cet art des transitions métaphoriques et métonymiques que Sebald prolonge jusque dans le rythme singulier de ses phrases, dans leurs torsions et distorsions. S’il n’est pas utilisé pour réduire le texte à une évocation référentielle, l’outil cartographique peut constituer un instrument précieux pour cerner au plus près la matière de l’écriture.